Qu’est-ce qui peut bien nous pousser à restituer nos émotions, quelques soient les matériaux utilisés, alors qu’elle semblent encerclées dans notre spirale de vie ? Nostalgie, magma créatif en sommeil, pulsions d’orgueil, besoin de reconnaissance d’identité singulière ? J’étais une éponge. Quand enfin je fus imprégné à en suinter par toutes les alvéoles mon besoin de fabriquer des images devint compulsif. Raison pour laquelle ma scolarité en dents de scie troubla et mes géniteurs et mes maîtres.

Enfin le lecteur peut aisément comprendre que le meilleur moyen de ne pas souffrir de certaines frustrations est de projeter ses fantasmes à travers des dessins, même maladroits, sur le papier. Quand vers quatorze ans je rêvai de devenir pilote de chasse, je bluffai le professeur de mathématique de somptueuses œuvres - aux détails très poussés - sur mes cahiers plutôt dévolus à des équations de je ne sais plus à quel degré… Ce brave homme ne pris pas la mesure de mon art et les zéros s’alignèrent régulièrement telle une escadrille japonaise sur Pearl Harbour ! Plus tard j’en étonnai d’autres en mettant en scène de belles plantes aux fesses callipyges afin de préparer ma sexualité à de futures émotions puisque encore inconnues. Là il ne s’agissait plus seulement de restituer (visions fugaces de quelques numéros de Paris Hollywood chapardés dans une cave), mais d’anticiper, donc de créer.

C'est ainsi que quelques années plus tard je fus confronté lors d'un cours d'histoire de l'art à une Vénus qui pour mon goût n'avais rien de vraiment excitant...

Callipyge


Ma première (?) œuvre monumentale "crachée" comme une errance dans ma mémoire traumatisée par les récits encore frais de la guerre sera réalisée avec mes premiers tubes de peinture à l'huile. En réalité quelques échantillons commandés en "couponnant" sur un magazine suffirent à éveiller mon sens de la couleur, de la cuisine, de la matière et des affres d'une technique toute nouvelle. Oui, j'avoue que ce format ne fait en réalité que quelques dizaines de centimètres de côté, mais il m'a toujours suivi et je rêve de savoir exécuter la "chose" comme un de ces panneaux qui vous fiche un uppercut dans le mental.


Shoah